lundi 14 août 2017

Nord de tout (partie 2) : Départ pour l'Arctique

À peine commençais-je à apprécier l'étrange beauté de Yellowknife qu'il me fallait déjà la quitter, direction la Keith Bay, située dans le nord du Nunavut, ma destination finale.


C'est ainsi que le lendemain de mon arrivée, je me retrouvais dans la salle d'attente d'un petit aérodrome, en train de remplir les documents de voyage vu que mon employeur avait oublié de préciser mon nom au moment de réserver l'avion pour le trajet. Car ici, oubliez Air Canada ou toute autre grande compagnie internationale, de même pour les hôtesses, steward, portiques de sécurité et autre Airbus A350. Il n'y a que très peu de vols réguliers pour le nord du Nunavut et aucun vers la Keith Bay vu qu'elle n'est pas habité. Les vols sont organisés à la demande dans des avions ne dépassant pas 10 places, comme celui qui allait m'emmener dans ce long périple.


Je n'ai jamais été très à l'aise en avion, même si mes récurrents aller-retours depuis 2012 m'ont aidé à m'habituer. Autant dire que j'étais moyennement enchanté à l'idée de m'embarquer là-dedans, j'imaginais déjà l'avion vibrer continuellement pendant le trajet, me faire ressentir la moindre petite secousse avec encore plus d'intensité et me donner l'impression de tomber en morceau à chaque atterrissage.

À quelques minutes du départ

On démarre, les moteurs font énormément de bruit, à tel point que nous devons porter des bouchons d'oreilles (donc pour faire connaissance avec les collègues qu'on vient de rencontrer pendant le trajet, c'est raté). L'avions s'avance sur la piste de décollage, je m'attends au pire et... je sens à peine le moment où l'avion s'élève. Au final, si ce n'est le bruit, je trouve les sensations bien plus supportables que sur un avion classique. Et à mesure que je prend de la hauteur, je découvre un Canada que je n'avais encore jamais vu.


Des lacs, des lacs et encore des lacs. À perte de vue, avec de temps à autre de rustiques cabanes de pêcheur construites sur la berge. À croire que ce pays est composé à 50% d'eau. Les grandes forêts du sud du Canada ont laissé place à un bocage diffu de conifères moins grands et majestueux mais plus à même de résister au grand froid. Au fur et à mesure que le trajet s'écoule, le paysage se fait de plus en plus rocailleux et rude et les traces d'activités humaines de plus en plus rares.

Une mine, principale source d'activité au Nunavut

Là, tel le buveur de pastis moyen, je me dis qu'il commence à y avoir un peu trop d'eau dans la mixture lorsque tout à coup...

Mais... mais...

Ça-y-est, plus de doute, l'océan Arctique ! Mon cœur joue de la drum'n'bass, je me sens comme un explorateur ayant atteint une contrée longtemps évoquée et jamais aperçue jusqu'à ce jour. Je réalise enfin que le petit gars de la Drôme que je suis qui se sentait complètement paumé jusqu'à il n'y a pas si longtemps allait découvrir l'Arctique, la vraie ! Et même payé pour ça, toutes ces années d'études et de questionnements existentialo-professionnels prennent enfin un sens ! Autant dire qu'en cet instant, ce qui se passe dans ma tête ferait passer la fête des 40 ans de Kanye West pour une kermesse de petits vieux.

Mon euphorie prend rapidement fin lorsque le pilote annonce que nous nous apprêtons à atterrir, et je retrouve mon anxiété aérienne habituelle. Ce n'est pas encore la Keith Bay mais Ikaluktutiak (anciennement connue sous le nom de Cambridge Bay). Ce village autochtone tire sa relative prospérité par rapport aux communautés environnantes grâce à son aéroport qui en fait un passage quasi-obligé pour les vols vers le pôle ayant besoin de ravitaillement, mais également pour les nombreux bateaux scientifiques ou commerciaux empruntant le fameux passage du Nord-Ouest.

Les pubs prennent une allure étrange lorsqu'elles emploient l'alphabet Inuit
Même au bout du monde...

La pause est de courte durée, le temps de refaire le plein pour l'avion et nous voilà déjà reparti. Nous reprenons la route pour une dernière étape, direction Kugaaruk. Au fur et à mesure, le paysage continue d'être de plus en plus bizarre.

Ikaluktutiak
 
 
 
 
 

Arrivé à Kugaaruk, nous constatons que l'unique petit local présent sur l'aérodrome est fermé, ce qui est regrettable vu l'absence de soleil et le vent qui se lève. Nous attendons en grelottant que l'équipage finisse de charger le matériel supplémentaire.

 

Là encore, pas le temps de faire du tourisme, nous embarquons 2 personnes supplémentaires qui se rendent sur le même site que nous et nous redécollons en quatrième vitesse, d'autant plus que nous volons depuis bientôt 8h et qu'il commence à faire faim. Pour oublier mon ventre qui gargouille, je me concentre sur mon hublot et si jusqu'ici le paysage ressemblait au bout du monde, j'ai désormais la sensation d'être sur une autre planète...

L'aérodrome de Kugaaruk
 
 
 
 
 

"We're about to land, please remain seated with your seat belt fastened until the Captain tells you that it is safe for you to move about", déclare laconiquement le co-pilote. Moi, je n'en perd pas une miette et jubile intérieurement en admirant pour la première fois la banquise de mes propres yeux. Je pense que j'ai retrouvé l'émotion de ma première vision de la mer lorsque j'ai vu cette étendue de glace infinie.

 
 

L'atterrissage finale est une nouvelle fois surprenamment doux. J'éprouve alors un mélange étrange de faim qui me tort l'estomac et d'émotion intense à l'idée d'enfin voir l'Arctique de mes propres yeux et pas depuis le hublot d'un avion. Le capitaine nous donne l'autorisation de sortir, je pousse la lourde porte de l'avion et...


Wow. En fait, l'Arctique ressemble à un vieux parking abandonné. J'avoue être un peu déçu.


lundi 7 août 2017

Nord de tout (partie 1) : Yellowknife

Tout bon voyageur polaire doit de passer par une étape quasi-obligatoire : Yellowknife. En effet, aucune compagnie aérienne n'offre de ligne direct pour les régions arctiques due à leur faible fréquentation, il est donc nécessaire de s'arrêter dans la capitale du Territoire du Nord-Ouest. C'est donc ici que j'ai effectué la première étape de mon voyage après mon départ de Calgary et j'en ai profité pour découvrir une ville assez unique, sur un rythme complètement différent et à la culture bien distincte du reste du Canada.


Première impression inhabituelle à l'arrivée dans l'aéroport : une piste d'atterrissage relativement étroite au vue de la taille de notre avion, une aire d'arrivée minuscule, des le crachotement des haut-parleurs qui couvrent complètement l'annonce de l'opératrice à notre arrivée et surtout cette magnifique scène de vie arctique que je vous proposais en avant-première dans le précédent billet. Dans quel territoire oublié des hommes et de Dieu avais-je débarqué ?

Pour le plaisir des yeux

Mais au fur et à mesure qu'on découvre Yellowknife, on est reconnaissant de n'avoir ne serait-ce qu'une bande de terre pour pouvoir atterrir dans un lieu si reculé et désolé. La ville tire son nom de la tribu des Couteaux-jaunes, nommé d'après les couteaux traditionnels en cuivre qui faisaient leur spécificité. Elle est situé sur le bord du Grand lac des Esclaves, l'un des plus grands lacs du Canada (aussi grand que la Bretagne), dans une toundra rocailleuse où ne subsistent que quelques arbres trop peux nombreux pour être appelé forêt et la vieille ville s'organise autour d'une butte rocailleuse sobrement baptisée The Rock, un ancien lieu de culte autochtone qui offre une merveilleuse vue sur le lac.

Le port de Yellowknife
Des houseboats avec la conserverie flottante située tout à droite

L'observation du lac permet de découvrir une des spécificité de Yellowknife : les houseboats. Comme leur nom l'indique, les houseboats sont des maisons flottantes dans lequel habitent des famille de manière plus ou moins permanentes. Elle sont ancrées assez proche de la rive et peuvent être un lieu de résidence atypique pour anticonformistes courageux, qui continuent toutefois de se rendre sur la rive pour travailler et se réapprovisionner, comme de solitaires faisant le choix de vivre exclusivement sur leur logis flottant, vivant des poissons qu'ils revendent à la conserverie et d'échange avec d'autres résidents locaux. Cependant, amis misanthropes, réfléchissez avant de contacter les chantiers de St-Nazaire pour y faire construire votre paradis voguant car la communauté des houseboats est assez select : on m'a glissé que certains arrivant un peu trop pressés avaient eu la mauvaise surprise de voir leur embarcation désancrée voire sabordée pendant qu'ils avaient le dos tourné.

Une houseboat amarrée dans le port de Yellowknife

Une autre spécificité de Yellowknife est sa forte concentration de population autochtone par rapport à d'autres villes d'importance équivalente. La ville est parcourue de référence à cette culture, que ce soit grâce à des peintures, sculptures, plaques commémoratives ou monuments. La ville, notamment la partie la plus ancienne, est également remplie hangar de stockage de canoë et autres bateaux de pêche traditionnels qui démontrent le lien important qu’entretiennent la ville et le lac.


En outre, on est dans des latitudes suffisamment élevées pour atteindre le point où, durant l'été, le soleil ne se couche plus.

Photo prise à minuit

Yellowknife est un lieu unique dans le sens où l'on a du mal à croire qu'il soit possible d'apporter de l'équipement moderne dans un lieu aussi loin de tout (et pourtant c'est loin d'être le coin le plus isolé du pays, mais je ne le réaliserai que plus tard). La ville s'est construite grâce au courage des populations autochtones et des premiers pionniers pour en faire la porte de l'Arctique canadien et ainsi continuer de développer le territoire. On peut approuver ou non la forme que prend ce développement, néanmoins la ville rappelle constamment la fierté du travail accompli.

Les drapeaux des principales villes du Territoire du Nord-Ouest

Pour finir, une photo que je ne savais pas où caser mais qui colle bien avec mon discours sur l'atmosphère atypique qui règne à Yellowknife.


J'espère que vous aurez apprécié cette première étape dans le récit de mon périple, la suite ne saurait tarder !