dimanche 1 octobre 2017

Nord de tout (partie 4, fin) : Keith Bay, deuxième semaine

Au lendemain de mon escapade de pêche, j'ai légèrement regretté les quelques heures de sommeil que j'avais manqué. D'autant que le sommeil est assez compliqué à gérer avec la forte luminosité qui règne constamment. Ainsi, pour pouvoir dormir convenablement, toutes les fenêtre des chambres sont couvertes de sacs poubelle, vu que les maigres persiennes déjà en place ont une efficacité assez limitée.

Photo prise à minuit

Mais pas le temps de tergiverser, le travail reprend à l'heure habituelle. Surtout que de nouveaux arrivants pas tout a fait désirés ont fait leur apparition : les moustiques. Si le froid de la première semaine les a empêché de venir nous pourrir la vie, ils s'en sont donné à cœur joie maintenant que la température a dépassé 10°C. Il nous faut donc constamment nous couvrir d'anti-moustique plus ou moins nocif ou porter une veste anti-moustique couvrant également le visage.

Un nuage de moustique (cliquez pour vous rendre compte)

Au fur et à mesure que nous avançons dans notre projet, nous découvrons de nouveaux sites qui amènent leurs lots de découvertes innatendues et de paysages.

Un vieux camion de l'armée abandonné


Nous profitons également du retour de la banquise que je ne me lasse jamais d'admirer.



Nous avons également pu faire une découverte particulièrement inattendue et touchante. À l'appel d'un des guetteurs, ma collègue et moi nous sommes approchés d'une petite dépression derrière un rocher, qui s'avérait être un abris pour une ours polaire et ses petits durant l'hiver. Le rocher offre une bonne protection contre le vent, et les creux offres un endroit confortable (enfin, selon les standards ours) afin de se reposer. Nous pouvions ainsi distinctement observer l'emplacement de la mère et un trou plus petit pour les oursons.


Quelques poils d'ours témoins du passage de la petite famille

Il y a également cette chaise artisanale que je ne savais pas exactement comment introduire dans cet article mais que nous avons découvert entre deux coups de pelles et qui donnait un effet étrange assez réussi à mes photos


Quand est venu le temps d'aller à la pêche le dimanche suivant, j'ai légèrement hésité en me remémorant le dur réveil du lendemain. Mais finalement, considérant que c'était peut-être la dernière fois que j'aurais cette occasion, j'ai embarqué avec le reste de l'équipe. Vu nos piètre résultats dans le sud de la péninsule, nous nous sommes aventurés dans l'ouest, où la mer est plus agitée. Comme la dernière fois, j'étais armé de mon smartphone et non pas d'une canne à pêche, vu que la seule chose que je souhaitais capturer était la beauté des paysage qui m'entouraient.




Le coin offrait également une superbe vue pour observer le bal des icebergs.




J'ai ainsi passé les deux heures suivantes à parcourir les chemins le long des falaises, admirer la dureté de ce paysage désertique et m'essayer à la composition photographique (avec plus ou moins de succès).














Au final, cette nouvelle séance de pêche s'est révélée aussi infructueuse que la précédente, j'attendrai l'année prochaine pour goûter aux poissons polaires.

À quelques jours de notre départ, un couvercle de nuages bas a commencé à se former, pour finalement se transformer en un épais brouillard. Cela nous a légèrement inquiété vu qu'il était hors de question de faire atterrir l'avion au camp dans ces conditions, d'autant plus que les membres plus expérimentés de l'équipe on commencé à s'amuser en racontant des anecdote personnelles de départ reculé d'une ou deux semaines à cause du mauvais temps. Cependant, cette brume donnait un charme nouveau au site que je me suis empressé de capturer.

Entrée d'un bunker effondré



L'effet était particulièrement saisissant sur le tout dernier site sur lequel j'ai travaillé sur lequel un accident d'avion a eu lieu.

Cette carcasse m'a étrangement fait penser à Tintin au Tibet



Finalement, comme par miracle, les nuages se sont carapatés à quelques heures de l'arrivée de l'avion, et j'ai embarqué comme prévu pour Yellowknife puis Calgary où j'ai pu enfin poser mes bagages après deux semaines d'émerveillement, de rencontres (oulàlà les clichés) et surtout de travail bien crevant et d'heures de sommeil manquantes (que je me suis empressé de rattrapé).

Aéroport de Kugaaruk, sur le chemin du retour

Que retenir de ces deux semaines. Tout d'abord le fait que je repartirai avec joie dès le retour des beaux jours l'année prochaine et ça, c'est plutôt rassurant pour moi vu que je suis encore en train de découvrir ce métier que j'ai commencé il y a moins d'un an. J'ai en outre eu la joie de rencontrer un tas de gens géniaux, que ce soit des travailleurs Inuits, des employés des autres entreprises ou des collègues issus des autres succursales d'AECOM. Que ce soit parce qu'ils étaient drôles, expérimentés, conteurs d'histoires et parfois les trois en même temps, j'aurai plaisir à retravailler avec eux et je suis tout simplement content d'avoir vécu deux semaines avec une si bonne équipe.

Et enfin, en guise de bonus, le travail sur le terrain nous a permis de dénicher toute une série d'objet plus ou moins surprenants laissés par les derniers occupants, mais également de magnifiques fossiles. Je peux notamment me vanter d'avoir trouver l'un des plus beaux fossiles d'ammonite du camps. J'espère que j'aurais réussi par mes mots à vous faire un peu partager cette incroyable aventure ; et j'achèverai donc cette série d'article avec cette galerie de découvertes incongrues, avant de revenir de plus belles avec de nouvelles histoires.


Deux canettes de jus d'orange de 1960

Des fossiles de coraux

Une lampe à pétrole servant de repère pour
l'ancienne piste d’atterrissage

Celui-là, je l'ai ramené. Il est beau, hein ?

samedi 2 septembre 2017

Nord de tout (partie 3) : Keith Bay, première semaine

Déjà 3 semaines que je vous parle de mes aventures en Arctique, il serait peut-être temps que je vous explique exactement le but de mon excursion. Ce voyage fait partie d'un programme de démantèlement de bases militaires situées dans le grand nord canadien. Construites à l'époque de la Guerre Froide, ces bases sont progressivement démantelées car la technologie s'étant améliorée, certaines sont devenues redondantes. Mais ayant été mises en place au cours des années soixante, la plupart des bâtiments contiennent une quantité non négligeables de joyeusetés telles que de l'amiante ou de la peinture au plomb. En outre, les considérations écologiques étant relativement peu développées à l'époque, surtout dans des régions aussi désertiques, de nombreuses fuites de produits chimiques ont été répertoriées et de nombreux barils de diesel jonchent les sites. Le gouvernement canadien a donc mandaté différentes entreprises de démolition et des consultants en environnement afin de nettoyer correctement ces sites et qu'ils retrouvent à peu près l'état qu'ils avaient à l'origine. C'est ainsi que je me suis retrouvé intégré à l'équipe environnementale, chargé d'aller collecter des échantillons de terre dans des endroits suspects et d'expédier tout cela par avion chaque semaine, aidé d'une dizaine d'autres collègues qui m'ont fait découvrir les ficelles du travail en zone arctique.



Une fois sorti de l'avion, nous avons embarqué les valises et surtout les quelques dizaines de kilos de nourriture censé nourrir le camps de 30 personnes pour la semaine qui vient (et possiblement plus si le mauvais temps devait retarder la prochaine livraison). Comme je le disais dans le précédent billet, je suis assez surpris par le paysage, loin de l'image de désert glacé et enneigé que j'avais en tête.


Cependant, j'aurais dû m'en douter, vu que le chef de projet nous avais indiqué que la pire température enregistrée en été était de -10°C et qu'elle tournait en moyenne plutôt autour de 15°C. Après une dizaine de minute sur une piste étroite, le camp a commencé à apparaître.

Les photos des installations ne sont pas vraiment autorisées,
donc pas possible de prendre une photo plus proche


Le camps s'organise autour d'une grande tente blanche en demi-cylindre, dans lequel l'équipe prend les repas. Autour de la tente, des containers ont été aménagés pour contenir 2 chambres individuelles surprenamment confortables et plus spacieuses que des chambres du CROUS pour vous donner un point de comparaison. D'une manière générale, j'ai été surpris par le confort de l'installation. Sans dire que c'était comme à l'hôtel, j'étais impressionné de voir que même dans un coin aussi reculé, on pouvait encore créer une sorte de chez-soi, avec assez de salles de bain/toilettes pour ne pas avoir à faire la queue chaque matin, des chambres tout à fait correct et une équipe de cantinier avec assez d'imagination et de ressources pour proposer des repas goûtus et variés malgré les contraintes de l'endroit.

Ambiance

Mais c'était une bonne chose pour ma première expérience car le planning a été rude. Réveil à 6 heure de matin, petit déjeuner à 6h30, point sécurité et discussion des activité de la journée à 6h45 et début généralement à 7h pour finir à 19h30 avec une pause de 30 minutes à midi, et ce 7 jours par semaines. J'avais la chance de ne travailler que durant 2 semaines mais certains opérateurs de chantier travaillait jusqu'à 6 semaines d'affilé sans un jour de repos !

Aperçu d'une journée de travail

Mes journées se sont donc déroulées ainsi. J'étais accompagné d'une collègue travaillant dans les bureaux d'Edmonton et d'un conducteur de pelleteuse qui allait creuser pour nous dans les endroits qu'on lui indiquait afin d'aller échantillonner. Entre 2 coups de pelleteuse, j'avais le temps d'admirer le paysage qui peu à peu devenait un peu moins monotone, je commençais à noter des petits détails.






Lors de notre travail nous étions toujours accompagné d'un guetteur chargé de patrouiller afin d'être sûr qu'il n'y avait pas de bêtes sauvages à proximité. Cela était toutefois hautement improbable, car à ma grande déception, les ours blancs étaient plus au nord à cette époque de l'année et ne reviendraient dans le coin qu'en octobre. Aussi, son rôle se résumait plutôt à nous appeler pour observer les caribous ou tout autre animal plus inoffensif.

Je vous conseille vivement de zoomer

Parmi la faune du pôle nord, j'ai eu la chance de pouvoir admirer une vingtaine de caribous, un renard polaire (avec une fourrure brune, vu qu'ils ne prennent leur parure blanche qu'au retour de la neige), quelques lemmings ventrus et une sorte de furet. Point d'ours blancs ou de phoque, en revanche, j'aurais pu avoir la chance de voir des narvals, mais ni moi ni ma collègue n'avons pu les apercevoir, même avec des jumelles, alors que le guetteur les distinguait à l'œil nu.

L'équipe qui nous accompagnait était composée de travailleurs anglophones et francophones venus du Québec et de la Nouvelle Écosse et d'Inuits venant de Kugaaruk, le village dans lequel nous nous étions arrêtés durant notre trajet en avion. J'ai ainsi eu la joie de me refamiliariser avec l'accent Québécois, ce qui m'avait un peu manqué et j'ai pu jouer les intermédiaires de temps à autre, notamment avec la cuisinière dont l'anglais était un peu rouillé. Mais le plus intéressant fut sans nul doute le travail avec les Inuits.

Ces 2 semaines m'ont permis de voir ce qu'était vraiment un Inuits, loin des clichés et de manière plus réelle qu'à travers un reportage ethnographique sur Arte. J'étais surpris de voir à quel point ils étaient à la fois différents et similaires aux Canadiens du sud. D'une part, ils peuvent écouter la même musique, porter les même vêtements, suivre les même équipe de hockey et faire les même blague. D'autre part, la quasi-totalité d'entre eux avaient vécu tout leur vie dans à Kugaaruk, une ville pas des plus animées il faut l'avouer, et se sentaient très bien comme ça. En outre, ils m'expliquaient que le travail dans les chantiers ne les occupaient en moyenne que 4 ou 5 mois par ans, et que le reste de l'année était consacré à la chasse et la pêche. Même s'ils étaient équipés de matériel moderne, ils suivaient encore le rythme de vie traditionnels que pratiquaient leurs ancêtre, si bien que l'argent gagné pendant les quelques mois de travail était suffisant pour l'année entière, servant principalement à entretenir la maison et le matériel de chasse et de pêche. Moi qui n'avais jusque là rencontrer que des gens qui m'expliquaient à quel point ils avaient hâte de quitter leur ville natale pour aller parcourir le monde, j'étais plus que surpris de rencontrer quelqu'un satisfait de là où il se trouvait.

Les journées de 12 heures laissaient peu de place aux loisirs à la fin de la journée. Cependant, chaque dimanche, c'était jour de pêche. N'ayant pas demandé mon permis avant de partir, j'ai accompagné le groupe principalement afin d'admirer le paysage, et je n'ai pas été déçu.





Le paysage était absolument splendide, entre les icebergs dérivant au loin et les rochers aux fissures si rectilignes qu'elles semblaient former des terrasses taillées par l'homme.



Alors que je m'émerveillait devant cette beauté sauvage, mes collègues tentaient désespérément d'attraper des ombles chevaliers (ou arctic char), un poisson commun dans la région, mais visiblement pas assez vu que personne n'a rien attrapé. Le coin n'était visiblement pas assez profond, mais nous aurions dû nous en douter vu qu'aucun des autochtones n'est venu avec nous.





Mais comme je le disais, la pêche était le dernier de mes soucis et j'abandonnais mes compagnons pour aller admirer les merveilles qui m'entouraient où que je pose les yeux.















Je savais que j'allais sentir ces heures de repos manquées dès le lendemain mais je n'ai pas regretté cette sortie. Et c'est avec un grand sourire au lèvre que nous sommes retourné au camp, bringuebalant dans nos véhicule, l'air nous fouettant le visage.





À l'issue de cette première semaine, alors que nous faisions nos adieux à l'ancienne équipe et accueillions la nouvelle, j'avais déjà une bien meilleure image du grand Nord qu'à mon arrivée. Et même si je pensais déjà en avoir vu beaucoup durant ces sept premiers jours, la deuxième partie de mon séjour allait me réserver encore beaucoup de découvertes.