mercredi 3 octobre 2018

CIFF 2018

Je ne sais pas si je vous ai parlé du Calgary International Film Festival (ou CIFF). Comme son nom l'indique assez bien, il s'agit d'un festival de cinéma ayant lieu tous les ans aux alentours de Septembre. Bien qu'il soit de faible importance par rapport à des festivals type Cannes, Venise ou même Toronto, l'avantage du CIFF est qu'on peut facilement y aller sans avoir à se faire inviter par le gendre de la sœur de l'arrière grand-oncle de la boulangère de Martin Scorcese ou à débourser 6 mois de salaires pour une place en fond de salle bloqué derrière l'intégralité de l'équipe des Lakers répartis sur 3 rangées successives. Et c'est aussi pour ça qu'il n'y aura pas de grands films à l'affiche et qu'une bonne partie d'entre eux sont déjà sortis dans d'autres pays, parfois avec un an de retard par rapport à la France. Mais on a quand même la possibilité d'assister à quelques premières mondiales ou Nord-Américaines, de découvrir quelques pépites et de rencontrer acteurs et réalisateurs lors de la projection de leurs films. La sélection offre toujours un large choix et d'une manière générale j'ai très rarement été déçu en sortant d'une séance.


Bref, maintenant que le décors est planté, je voulais faire un petit bilan de ce que j'ai pu voir, cela vous donnera éventuellement des idées pour vos prochaines soirées ciné (notez encore une fois que certains films sont peut-être déjà sortis en France) :
  • Under the Silver Lake : Une sorte de film noir perverti, comme si on avait voulu mélanger Hitchcock avec The Big Lebowski. Tout résonne comme un classique hollywoodien : à Los Angeles, un jeune homme tombe amoureux de sa voisine qui disparaît mystérieusement après leur première rencontre. Il décide d'enquêter et tombe sur une série de personnages intrigants qui l'envoient dans des directions plus mystérieuses les unes que les autres. Cependant, rien dans les actions des personnages ne colle à l'ambiance : le héros est un looser qui passe ses journées à observer ses voisines à la jumelle, il tabasse les plus faibles que lui mais détale dès qu'il sent le danger et la plupart des personnages rencontrés sont drogués, à moitié fous ou alcooliques. Le décalage est d'autant plus accentué par le fait que l'histoire est filmée de manière très classique, avec une caméra qui bouge peux, et que la musique semble sortir d'un film des années 50, avec un orchestre symphonique et des mélodies très majestueuses qui semblent n'avoir rien à faire dans un film au héros si pitoyable. Mais cette atmosphère étrange rend le film très drôle et plaisant. Et si cela n'achève pas de vous convaincre, l'histoire contient l'une des théories du complot la plus originale et intéressante que j'ai entendue depuis longtemps.
  • Climax : Le nouveau film de Gaspar Noé dépeint la lente descente aux enfers d'une troupe de danse, isolée dans une école pour une répétition générale alors que la neige tombe, dans un monde où les téléphones portables ne sont pas encore chose courante et alors que la sangria préparée pour fêter l'évènement contient un ingrédient secret, à savoir une bonne dose de drogue hallucinogène. Peu à peu, la drogue révèle progressivement la part la plus sombre de chacun des danseurs et la fête se transforme en cauchemar. Je ne nie pas la qualité visuelle du film, avec des plans et des couleurs complètement dingues. Cependant, je ne suis pas arrivé à détacher ça de la dureté de ce qui se passe à l'écran. La première partie du film est assez excellente, les danseurs sont incroyables et le film montre la danse d'une manière vraiment nouvelle mais la seconde partie m'a mis vraiment mal à l'aise et m'a empêché d'apprécier le film.
  • Unlovable : Mon coup de cœur de cette saison, un film drôle, original et touchant sur un sujet pourtant pas très joyeux. Joy est atteinte d'une addiction affective et sexuelle. Les relations qu'elle accumule ne lui apportent aucune joie et se terminent de manière précipitée et misérable. Elle rejoint un programme de "désintoxication" avec une simple consigne : tenir sans relation pendant 30 jours pour pouvoir continuer le programme, une tâche plus compliquée qu'il n'y paraît quand votre esprit vagabonde d'hommes en hommes dès la première seconde d'inactivité. Ce film arrive à être touchant sans être gnan-gnan, cru sans être obscène, drôle sans être lourd et réaliste sans être tire-larme. Je n'ose imaginer comment une comédie basique française aurait traité un sujet comme l'addiction sexuelle, mais le film en parle avec tact et dépeint la souffrance causée avec justesse. Les bonnes vibrations dégagées par le film viennent également en grande partie de l'échappatoire de Joy, qui découvre la musique, ce qui agrémente en outre le film d'une superbe BO rock. Pour finir, la grande découverte du film réside dans son actrice principale, Charlene deGuzman, une youtubeuse américano-philippine dont c'est le premier film en tant qu'actrice et scénariste, dont le jeu très naturel est extrêmement juste et qui dégage une aura dingue. Le film la porte et on n'aurait pas pu imaginer qui que ce soit d'autre dans ce rôle. Le film vient à peine de trouver son distributeur et il n'y a pas encore d'annonce pour une date en France mais je vous conseille de le surveiller de prêt (NB : le film est tout de même sur Allociné qui le présente sur un film érotique, ce qui est totalement à côté de la plaque).
  • Pity (Oίκτος) : Un film lent, très lent, et très intense. Alors que sa femme est dans le coma suite à un accident de voiture, le personnage principal (qui n'est pas nommé dans le film) continue sa vie tant bien que mal, entourée par la sollicitude dont tout le monde fait preuve à son égard pour le soutenir dans cette épreuve. Il se met alors peu à peu à manipuler son entourage pour profiter de cette bienveillance, jusqu'à ce jour tragique où sa femme se réveille et que toutes les petites attentions dont il bénéficiait disparaissent. Il sera alors prêt à tout pour que cette situation revienne. Ce film, comme son personnage, est fou. Parfois les réalisateurs ont une idée mais ils n'osent pas aller au bout, mais celui-ci n'hésite pas une seconde. La lenteur des scènes, avec des personnages qui font de longues pauses entre chaque dialogues, les gros plans sur les visages, les long silences tendus, tout est pesant dans ce film. Pesant comme la douleur (feinte ?) du personnage mais aussi comme la folie qui monte quand il ne reçoit plus une fois le coma terminé. Les acteurs sont excellents, surtout le rôle principal, qui jongle avec brio entre humour grinçant et étrangeté inquiétante.
  • Clara : une romance mystico-scientifique un peu nunuche et trop premier degré. Isaac est un astronome désabusé par la vie et l'échec de son grand projet scientifique. Son obsession pour la découverte de la vie extra-terrestre prend le pas sur tout dans sa vie personnelle mais l'absence d'avancée lui a peu à peu fait perdre espoir et foi en son métier. Lors d'un congé forcé qui ne l'empêche pas de continuer sa quête, il est rejoint dans son travail par une de ses étudiantes qui va l'aider à poursuivre son travail en s'ouvrant à de nouveaux points de vue et lui redonner peu à peu goût à la vie. On est en plein cas d'école de la Manic Pixie Dream Girl (merci à ma chérie pour m'avoir appris cette expressionn qui colle parfaitement au film), une jeune fille un peu excentrique qui va permettre au rôle masculin légèrement-nerd-et-un-peu-bourru-mais-au-fond-il-veut-juste-qu-on-l-aime de s'épanouir. Le film accumule les clichés et se prend parfois trop au sérieux dans ses moments d'émotions pour qu'on y croit vraiment (si vous voulez des moments d'émotions réussis, allez voir Unlovable, je n'arrête pas de le dire !). Bre, ça ressemble beaucoup à Un homme d'exception, mais en raté.
  • Transit : une errance marseillaise qui joue avec réussite avec les résonances de la crise migratoire actuelle et de celles du passé. Le film adapte l'histoire de réfugiés allemands tentants d'obtenir les passe-droits requis pour fuir en Amérique depuis le port de Marseille. Mais l'astuce du réalisateur est de jouer avec le temps : si les conversations des personnages, leur histoire et leurs vêtements sonnent très Seconde Guerre Mondiale, le film et les décors extérieurs ont été tournés dans le Marseille de notre époque. On comprend très vite que le réalisateur veut dresser un parallèle entre l'histoire originale et la crise des réfugiés actuelle, mais avec une originalité et une subtilité assez intelligentes et réussies. Là où le film aurait pu faire dans le misérabilisme et le tire-larme, il se contente d'être réaliste, sans chercher à habiller la réalité à grand renforts d'effets dramatiques. Le film est aussi très beau, avec des contrastes entre les intérieurs sombres et tristes qui eux aussi semblent sortir des années 40 et des extérieurs lumineux et pleins de promesses. Enfin, en plus d'être une fresque historique, c'est aussi une histoire personnelle, avec des personnages qui tentent d'exister au milieu d'évènements qui les dépassent et de vivre leur propre histoire, aussi folle l'idée soit-elle tant ils sont entourés par la misère.
  • Cléo & Paul (Allons enfants) : une voyage initiatique dépaysant quoiqu'un peu stressant. Cléo et Paul, deux jumeaux d'environs 4 ans, s'amusent dans le Parc de la Villette. Alors que Cléo s'éloigne et finit par se retrouver toute seule, Paul est lui aussi, volontairement cette fois, abandonné par sa nourrice. Libérés de toutes attaches et livrés à eux même, ils vont déambuler dans Paris sous le regard perdu de quelques adultes qui ont bien du mal à prendre leurs responsabilités. Le film parle plus de la réaction causée sur les adultes par un évènement aussi inattendu qu'un enfant perdu que du fait de savoir si les enfants vont être ramenés à leurs parents ou non. Tout au long du film, on s'aperçoit que ceux qui devraient savoir gérer la situation, ceux qui sont en situation de pouvoir et qui devraient prendre les décisions, préfèrent échapper à leurs responsabilités ou sont complètement désemparés. Alors que les deux enfants ne se soucient pas le moins du monde d'être seuls et papillonnent à côté d'eux. Le film est dépaysant du fait que beaucoup des scènes suivent les improvisations des deux enfants qui n'ont été que très peu dirigés. Inversement, ça rend le film surprenamment stressant, vu qu'à chaque seconde on est persuadé qu'un truc horrible va leur arriver. Mais heureusement ça ne dure qu'une heure donc la tension est vite évacuée.
Voilà, c'était mon petit Masque et la Plume, j'espère que ça vous aura donné des idées et que ça vous permettra de patienter en attendant que je récupère les photos pour mon article sur mon deuxième voyage dans le nord canadien.